Blotti dans son écrin forestier Bézu-la-Forêt ajoute au charme de sa situation la douceur euphonique de son appellation. Celle-ci viendrait de béziou qui, en langue celte, signifie bouleau, arbre assez souvent rencontré dans la forêt actuelle où le hêtre prédomine. Cette promenade va nous amener à la source de la Lévrière qui nait dans la forêt à peu de distance du village et va nous conduire, en grande partie, dans la majestueuse forêt de Lyons. Jadis appelée forêt de Bézu, elle reste bien imprégnée de souvenirs des rois de France.

   Empruntons la rue de l’Église (1) en face du parking situé au milieu du village, à côté du pont qui franchit la Lévrière. Nous passons en contrebas de l’église St Martin que nous conseillons de visiter lors d’une Journée du Patrimoine. Nous pourrons y admirer le célèbre vitrail de l’Annonciation, daté de 1537, avec, agenouillés, le gentilhomme verrier Jehan de Caqueray et son épouse, nous rappelant le rôle primordial du village et de cette famille dans l’industrie verrière française. Nous y verrons également, sous une charpente lambrissée en berceau, entre autres œuvres d’art, d’intéressantes peintures murales découvertes en 1996 et déjà restaurées.


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   La rue de l’Église s’infléchit à droite et passe sur un petit pont d’où nous pouvons apercevoir les ruines et la chute d’eau d’un ancien moulin (2). Quelques mètres plus loin elle rejoint une autre rue que nous prenons à gauche. Elle va se poursuivre par un agréable chemin qui monte dans la forêt après avoir laissé sur la gauche la route privée qui mène au château de la Fontaine du Houx.


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   Dans cette section forestière (3), au mois de mai, l’aubépine est en fleurs et abondent les aspérules odorantes (4) (odorantes une fois séchées). Une estrade d’observation du gibier est dressée (5). Bientôt nous atteignons la route forestière de la Vallée Thomas que nous prenons à gauche. 200 mètres plus loin, un panneau nous signale la présence de la Pierre qui Tourne qui mérite un détour. Le site (6 et 7), en effet, est paisible et, en ce milieu de printemps, joliment coloré par des touffes bleues de véroniques (8), fleurs dont le nom traduit l’origine chrétienne. En effet sa racine grecque veronicon, vraie image, renvoie à la fois, par le dessin de sa corolle, à l’image du Christ laissée sur le Saint Suaire et, également, au nom de Ste Véronique qui, en un geste de compassion, essuya et imprima ce visage. L’histoire de cette Pierre vaut d’être contée.


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Photo 4-Aspérule odorante


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Photo 8-Véroniques

La Pierre qui Tourne

   Dressé comme un menhir, ce bloc de poudingue est l’objet de bien de légendes. N’a-t-il pas été dit que ce monolithe tournait sur lui-même tous les cent ans ? Les Gaulois auraient tiré des prédictions de ses oscillations. En 1842 furent trouvés, non loin de cet endroit, des vases, boucles et bagues franques. La beauté sereine du site se prête bien aux célébrations sacrées. Au XIXe siècle un garde forestier, pensant trouver à son pied un trésor, le renversa et fut mortellement écrasé par sa chûte. Depuis ce sacrilège la Pierre a retrouvé sa divine verticalité mais, sur sa base maçonnée, elle ne tourne plus.

   Retournons à la route forestière qui, après une courte descente, atteint un croisement où nous la quittons. Si nous l’avions poursuivie nous aurions atteint, 1500 m plus loin, un hameau de Bézancourt qui porte le nom intrigant de Faute d’Argent. Ce toponyme n’est vraisemblablement pas en relation avec la célèbre maladie de Panurge mais, peut-être, avec des difficultés financières de l’ancienne verrerie toute proche.

   Pour arriver à la source, du croisement, nous avons le choix entre deux trajets :

-prendre à angle aigu à gauche un large chemin qui, 400 m plus loin, atteint la lisière de la forêt, puis monter à droite  en suivant cette lisière. Nous parvenons alors à apercevoir le château de la Fontaine du Houx (13 et 14)


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Photo 14

-grimper dans la forêt dans un layon qui pénètre dans la parcelle 354 en obliquant légèrement à gauche depuis la route forestière, puis, arrivé sur le plat, tourner à gauche à angle droit sur le layon qui longe la parcelle 353 jusqu’à la lisière de la forêt d’où il est possible de voir le château, rejoignant là l’itinéraire précédent.

Le château de la Fontaine du Houx

   Agréablement situé dans un vallon aux versants boisés, avec ses toits pentus recouverts d’ardoise, ses tourelles d’angle, ses façades ocre agrémentées par les encadrements des fenêtres et les chaînages d’angle où alternent briques et pierres, avec ses douves alimentées par la Lévrière naissante qui l’enserre il a vraiment belle allure (15 et 16). Son passé  historique est prestigieux. Depuis les temps mérovingiens existait en ce lieu un manoir royal où venaient chasser les rois de France. C’est d’ailleurs au cours d’une chasse au sanglier dans la forêt toute proche que le roi Carloman ll fut tué accidentellement en l’an 884. Ce manoir connut des fortunes diverses, alternant destructions (par les Normands et par les Anglais)  et reconstructions. Le château lui-même date du XIVe siècle. Il a été remanié et amélioré à plusieurs reprises. En 1449 la belle Agnès Sorel, favorite du roi Charles Vll, bien connue par son portrait qui dévoile ce que l’on « ne saurait voir », vint y faire un court séjour. Aux quatre coins du plafond de  la chambre qui lui est dédiée, sous la forme de leurs initiales, les deux amants perpétuent leur enlacement.


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  Dominant légèrement le château, la chapelle St Eutrope (17 et 18) dresse son harmonieuse silhouette. Datant du XIIIème siècle, elle fut épargnée par les Anglais. Avec ses deux oculi et l’ouverture de son porche n’évoque-t-elle pas un visage enfantin?


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Photo 18

  Continuons à longer la lisière en nous en écartant d’une vingtaine de mètres sur une sente qui descend vivement et nous conduit rapidement au site de la source. Sous de vieux hêtres au tronc élancé l’eau sourd de terre formant une petite nappe liquide d’où s’échappe le cours naissant de la Lévrière. Le lieu dégage une impression de douce quiétude et se prête à l’élaboration d’une vieille légende.

La légende de la Lévrière


Photo 19-reconstitution de la légende

En des temps très anciens, au cours d’une chasse seigneuriale, une meute de lévriers poursuivait un cervidé. Assoiffés, tous étaient au bord de l’épuisement. Soudainement la chef de meute (toujours femelle chez les lévriers) se mit à gratter le sol et, au milieu des feuilles, l’eau surgit. La Lévrière était née. « Se non e vero e bene trovato » dit-on en Italie.

Dépassons la source et poursuivons notre promenade sur un large chemin dont les versants boisés ont été récemment éclaircis par des coupes de l’ONF. En avril et mai, les abords de la route sont égayés par les floraisons des jacinthes des bois (20), des stellaires holostées et des euphorbes des bois (21). Le chemin oblique vers la gauche et, légèrement cachée par la lisière des arbres, il est possible d’apercevoir à droite une dépression tantôt à sec, tantôt occupée par un plan d’eau (22) sur les rives duquel abondent, en mai, les rares et précieuses fleurs jaunes des dorines à feuilles alternes (23). Également jaunes, et en outre parfumées, sont présentes les fleurs du gaillet vrai (24). Début juin, la région boisée qui domine cette zone sera vivement éclairée par l’or des genêts à balais(25).    


Photo 20-Jacinthes des bois


Photo 21-Stellaire holostée
et euphorbe des bois


Photo 22


Photo 23-Dorine à feuilles alternes


Photo 24-Gaillet vrai


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  Après avoir parcouru, depuis la source, près d’un kilomètre sur un large chemin, nous parvenons à un grand carrefour. Tournons à gauche sur une route qui grimpe en enserrant sur sa gauche une maison forestière (26) et nous voici à Rome (27), sans surprise puisque tous les chemins y mènent. Nous  poursuivons toujours à gauche sur le goudron que nous quittons pour nous engager dans l’allée arborée menant au musée de la ferme de Rome qui expose plus de 2000 objets liés à la production et à l’utilisation du lait (28).                        


Photo 26


Photo 27


Photo 28

  Dépassons la ferme-musée et poursuivons tout droit sur un chemin de terre à travers des champs parfois rendus lumineux par la culture du colza (29) dont l’étendue d’or est ponctuée par le bleu des véroniques (30). Nous descendons ensuite dans un agréable chemin ombragé (31) bordé de charmes aux formes spectaculaires (32 et 33). L’église de Bézu se dévoile peu à peu (34 et 35). Admirons son ancien presbytère joliment restauré (36) entouré de maisons normandes bien typiques (37). La boucle est bouclée après un beau parcours forestier imprégné de légendes et de souvenirs historiques.


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